Mila, la petite marmotte qui aime l'aventure

 

Mila ? Mila est née au Pays des Lynettes. Vous ne connaissez pas ? Tant pis, on verra une autre fois. C’est un pays un peu particulier où il fait bon flâner là-haut dans la montagne jusqu’aux herbes dans les prés et la rivière chatoyante. Un pays fort civilisé, où, si l’on en croit la coutume, les habitants se saluent tendrement… en se chatouillant les doigts de pied. Enfin, revenons à Mila.

C’est une marmotte mignonnette, rondouillette, toute à croquer… et pas farouche avec ça. Elle adore se baigner dans la rivière. Et hop ! Le cartable au bord de l’eau, pour éviter les plats en plongeant, et, avec le chamois Pilou, ils s’en donnent à cœur joie. Un régal cette eau qui bouillonne sous les rochers. Seulement voilà, Mila est aventurière. Elle aime descendre se promener dans les bois. C’est un peu risqué, mais, bien couverte sous son cartable, elle se sent protégée… Et rien de tel qu’un ami chamois pour vous sortir d’affaire. Remarquez, la dernière fois, il s’est carapaté sans un bruit, et Mila est rentrée toute seule. Mais bon, elle ne lui en veut pas trop, il est un peu froussard, c’est courant chez les chamois.

Ce soir-là, après l’école (eh oui, tout de même ils ont aussi des instruments de torture au pays des Lynettes !), en passant par le petit bois qui sent bon la myrtille et la fraise sauvage, Mila flaira une drôle de présence dans son dos, et clairement, une ombre plus grande qu’elle fit des apparitions soupçonneuses sous ses jambes…Drôle de traquenard. Et dire qu’elle n’avait pas fini d’apprendre sa poésie. Pilou s’était déjà carapaté là-haut avec les edelweiss. Mila se sentit bien seule dans le sous-bois. Pour faire diversion, elle rit, très fort, comme l’ogresse du cours sur les Contes. Un gros rire bien gras, à faire trembler les mûres. Sauf que là, les mûres s’étaient carapatées aussi, avec Pilou. Au détour du chemin, surgit une odeur drôlement incommodante… Quelqu’un aurait-il oublié de se baigner dans la rivière chatoyante depuis quelques semaines ? Un renard argenté ? Ouh la, un fennec plutôt. Bravant sa peur, Mila se retourna, cartable au vent, couettes en bataille qui lui revenaient dans les yeux (maudite coiffure !). Elle manqua de tomber à la renverse de surprise… C’était donc bien ça : un renard argenté qui ne sentait pas bon le fennec ! Un renard écolier qui ressemblait plutôt au loup des trois petits cochons. En un peu moins grand, un peu moins costaud et un poil moins farouche ! Mais bon dieu, il avait l’air encore plus effrayé que Mila. Nom d’une marmotte en bois ! La voilà bien, au milieu des mûres carapatées et des myrtilles bien cachées. C’était un renard bien rikiki que celui-là. Mila tenta à nouveau le coup du rire gras. Le petit renard se raidit.

• Oh, ne fais pas ça ! Tu vas ameuter… les esprits des bois.

Alors là, c’était mieux que le cours sur les Contes, foi de Mila. Elle n’y comprenait plus rien, foi de marmotte à couettes ! Et Pilou qui n’était plus là pour voir ça. Un renard argenté déguisé avec une cape de samouraï. Il revenait du kung-fu ou quoi ? C’était quoi cet accoutrement de Mardi Gras ?

• Pourquoi me suis-tu, sale fennec ?

• Reste polie, dis donc ! Je cherche mon chemin depuis que le soleil est passé de l’autre côté des Lynettes.

• Tu cherches un magasin de costumes ?

• Pas vraiment, je m’entraînais tranquillement pour mon cours de Chasse aux Souris et j’ai perdu ma piste.

• Oh, l’artiste ! Tu as un problème d’orientation dans les bois ?

• Oui, je suis plutôt un gars des plaines, tu vois !

• Je veux bien t’aider, mais s’il te plaît, enlève ce manteau ridicule. On dirait Superman au sol après un bain de javel.

• De quoi ?

• Laisse tomber, c’est un truc de filles. Bon, voyons voir, c’était quoi ton thème ? Repérage ? Rapport de gibier de potence ? Promenade bucolique avec une marmotte ?

• Gibier de quoi ?

• Tu n’as pas fait le cours Animation de Cachots…? Voyons voir, j’imagine que c’était le repérage ton sujet. Entrer dans le bois derrière les Lynettes, cueillir quelques souris et ressortir avant le lever de la lune. Il ne te reste plus beaucoup de temps. Tu es entré par le sentier des pissenlits ?

• Oui, je crois bien, mais tu sais, moi, les herbes à légume, je ne suis pas spécialiste. Dis, tu vas m’aider pour comprendre ?

• Filons, bientôt Pilou va revenir et je ne voudrais pas qu’il me voie comme ça avec un renard de carnaval, ça ferait désordre !

Les voilà donc, clopinant, entre deux soubresauts de Renard qui marchait sur sa cape.

• Les bois, c’est pas difficile, lui expliqua Mila, regarde entre les branches. Si tu ne vois rien, c’est que tu es perdu. Si tu vois de la lumière, il y aura sûrement une clairière. Là, il faut s’adresser au blaireau futé. Il connaît tout. Sois précis, il est tatillon sur les termes. Première leçon. Sinon, si tu es toujours perdu, suis le chant des hirondelles, elles cherchent souvent une sortie, et, si ce n’est pas la bonne, eh bien, contourne le bois. Encore une piste, enfin une erreur à éviter, plus il y a de mûres, plus tu es perdu. Tu comprends, les mûres, elles se cachent tout le temps. Si tu te caches, tu ne vas pas t’en sortir.

Renard était médusé. Tant de science dans une si petite tête de marmotte. D’habitude, il les préférait en civet, mais là, il était trop abasourdi. Ce petit bout de chemin, ça lui plaisait vraiment bien. Renard amoureux ? Laisse tomber, ce n’est pas son genre … Mais cette petite là allait drôlement bien le tirer d’affaire. Peut-être bien qu’il la grignoterait à la fin.

• Tu rêvasses ou quoi ? Bon, nous y voilà… T’as bien suivi ?

• Euh… Je crois. Dis, tu ne sais pas où je pourrais trouver une souris ?

• Ah non, pas de ça chez moi ! Tu comprends, j’ai mes convictions.

• Bon ben, salut alors ! Merci.

• Pas de quoi, je file, je suis en retard pour la soupe. Si on se recroise, Renard, prends un bain et change de fringues… Tu n’es pas crédible en Superman !

• Hum…

A ce moment-là, le soleil avait bien disparu derrière les Lynettes, les myrtilles étaient rentrées se coucher, les escargots sautaient dans les fourrés et Mila regagnait sa petite maison là-haut.

Renard ne la grignota pas… Ce fut sa première décision avant celle de sécher le prochain cours de Chasse au Souris, pour venir jouer dans les bois.